Quel est l’obstacle principal à l’émancipation individuelle ? Pourquoi la réussite sociale semble-t-elle toujours promise aux mêmes ?
La reproduction sociale condamne chaque individu à un destin largement déterminé par les héritages économiques, culturels et sociaux transmis par leur famille. La méritocratie est un mensonge qui vise à remonter le moral des mal nés.
Certains bénéficient dès l’enfance d’un environnement propice à la réussite, en assimilant très tôt des attitudes et des codes parfaitement adaptés aux attentes scolaires et sociales. La plupart grandissent dans un univers qui les désavantage dès le départ. L’école ne fait qu'entériner l’avance initiale de certains enfants sur les autres. Les trajectoires individuelles ne font que valider des dispositions acquises bien avant d’entrer en classe.
La famille structure ce système de reproduction. Elle agit à la fois comme relais matériel, social et idéologique. Elle transmet le capital économique et symbolique, verrouille l’accès aux réseaux d’influence, façonne l’habitus et fabrique ainsi des lignées de privilégiés. À l’opposé, l'idée omniprésente d’une société où chacun serait jugé uniquement sur ses actes et ses efforts se heurte à la réalité : personne ne naît dans les mêmes conditions, et la plupart prennent cela comme une donnée normale de l'existence.
Il faut remettre cette donnée en question : est-ce que c'est juste ? Une société peut-elle garantir à chacun la possibilité de se réaliser selon ses propres choix, sans être phagocyté par la famille ? Peut-on penser abolir la famille, ou du moins son emprise sur la destinée des individus ? Ceci est le vrai front de la lutte pour l’égalité des chances.